Fert accompagne depuis 2014 les producteurs de pommes de Rich et depuis 2021 les producteurs d’amandes de Taza dans le développement de leurs exploitations agricoles.
A ce stade, l’action est centrée sur une production prioritaire : respectivement la pomme et l’amande. Consciente que les enjeux sont plus systémiques, qu’il existe une diversité d’exploitations agricoles aux besoins variés et que les besoins vont encore évoluer dans le contexte du changement climatique, Fert a engagé deux études. Toutes deux ont pour objectif de l’aider à adapter son dispositif pour mieux accompagner les agriculteurs dans leurs productions et la valorisation de celles-ci.
Dans le cadre d’une convention de partenariat entre Fert et le Pôle Tropiques et Méditerranée de l’Institut Agro, deux étudiantes ont été mobilisées par Fert pendant 6 mois.
Lucile GUIHENEUF s’est donc rendue dans le cercle de Taza et Lucie MONNE à Rich pour réaliser ces études en binôme avec de jeunes agronomes marocaines. Leur stage était encadré par Asmae MEKNASSI, coordinatrice au Maroc des actions de Fert/IECD Maroc, Mélanie CANET, chargée de projets à Fert et Betty WAMPFLER, enseignant chercheur à l’Institut Agro Montpellier.
Méthode d’études
Lucile et Lucie ont mobilisé les démarches du diagnostic agraire élargi au système d’activités ainsi que de l’analyse filière pour apporter des éléments de réflexion.
Différents entretiens semi-directifs ont été menés auprès des agriculteurs et des principaux fournisseurs de services (administrations, organisations de producteurs, boutiques d’intrants …). Les entretiens devaient permettre de comprendre l’histoire agraire de la zone, le fonctionnement technique des cultures et des élevages, leurs résultats économiques, le fonctionnement des organisations de producteurs, l’accès aux services …. In fine, il s’agissait de décrire et d’analyser les stratégies de production qui caractérisent la diversité des exploitations agricoles familiales dans chaque région.
Pour approfondir les connaissances sur la partie post-récolte des filières pommes et amandes, Lucile et Lucie sont allées à la rencontre d’intermédiaires, de grossistes, de gérants d’unités-frigorifiques et des marchés de gros. Les entretiens étaient principalement dirigés vers l’approvisionnement, le stockage, la vente, les réseaux et les résultats économiques.
Fauche manuelle de luzerne à Aït Bouchbout dans le cercle de Rich
Analyser le fonctionnement des exploitations et de la filière
L’expérience de Lucie à Rich
Lucie MONNE (à droite) lors de sa restitution à Rich
La pomme a connu un essor important à Rich à partir des années 1990.
Les enquêtes confirment le rôle économique central que la pomme joue aujourd’hui pour les exploitations. Néanmoins, d’autres activités telles que la production laitière ou de luzerne semence ont été identifiées comme des opportunités de diversification rentables permettant d’améliorer et de sécuriser le revenu des petits producteurs. Ces stratégies de diversification sont conditionnées par l’accès à divers facteurs (eau, foncier, capital, marché, etc.) conduisant certains agriculteurs à plutôt investir dans des activités para ou extra agricoles.
L’analyse de la filière pomme a révélé l’existence d’un système d’acteurs complexe et peu structuré où les relations informelles prédominent. Les pomiculteurs de Rich peinent à s’insérer durablement sur ces marchés en raison de leur infime pouvoir de négociation, de leur manque de moyens financiers et matériels ainsi que de leur faible capacité d’organisation.
Le désir évoqué par ces agriculteurs de se spécialiser dans la pomme pourrait impacter négativement le degré de résilience de leur exploitation.
Pour améliorer leur viabilité, Fert peut adapter son offre de services en travaillant sur plusieurs axes. Un premier levier d’action réside dans le renforcement de l’appui technique autour de la pomme en faveur de pratiques culturales durables. Le dispositif de conseil peut également être étendu aux activités rémunératrices et qui favorisent la résilience de l’exploitation comme l’élevage laitier par exemple. Mutualiser leurs moyens ou leurs réseaux est aussi une piste à explorer par les producteurs pour mieux valoriser leurs pommes.
L’expérience de Lucile à Taza
Lucile GUIHENEUF (à droite) lors de sa restitution à Taza
L’agriculture du cercle de Taza est restée traditionnelle et diversifiée très longtemps : des cultures vivrières (céréales, légumineuses, fourrage) incluant des périodes de jachère, et des petits élevages ovins.
Le diagnostic agraire a mis en évidence les changements enclenchés depuis une décennie. Les sécheresses se multiplient et s’intensifient pénalisant grandement les cultures vivrières et la résilience des exploitations. Le Plan Maroc Vert a permis aux agriculteurs de planter des amandiers dans ces parcelles pour leur donner une réelle opportunité de revenu. L’élevage reste la première source de revenus agricoles mais est progressivement abandonné remettant en cause l’équilibre des exploitations.
Une partie des exploitations se spécialisera probablement dans l’amande ; celles disposant de plus de facteurs de production pourront rester diversifiées.
Pour accompagner leur transformation et garantir leur résilience, il faudra donc que Fert accompagne les exploitations dans leur ensemble en s’intéressant aux autres activités agricoles importantes comme l’élevage, l’apiculture, les cultures vivrières et les oliviers.
Dans la zone, la production d’amandes est encore récente et faible et est essentiellement autoconsommée. L’analyse « prospective » de la filière a montré que les agriculteurs pourront jouer sur le concassage et sur la qualité (écart des amandes amères notamment) pour mieux valoriser leur production. Des coopératives et des GIE réfléchissent à la commercialisation des amandes. En comprenant mieux le fonctionnement et les enjeux de la filière, ces organisations et Fert pourront accompagner les agriculteurs dans la valorisation de leurs produits.
Troupeau en transhumance à Aned dans le cercle de Rich
Amandiers à Taza