De nombreux agriculteurs tunisiens achètent des aliments concentrés pour leur cheptel et dépendent donc en partie des importations des matières premières. Cela soulève des questions économiques, techniques et environnementales. Entre les pénuries, l’augmentation ou l’instabilité des prix et les doutes sur la qualité des aliments du bétail, assurer une alimentation stable et de qualité est une réelle difficulté pour les éleveurs tunisiens.
Malgré des conditions climatiques sub-humide ou aride/semi-aride et des types d’élevages différents, avec ou sans parcours par exemple, les éleveurs du Nord et du Centre partagent l’objectif de gagner en indépendance dans l’alimentation de leur bétail, d’en réduire les coûts et d’en améliorer l’efficience.
En plus de l’amélioration des valeurs nutritives, certaines cultures peuvent avoir l’avantage de nécessiter moins d’intrants, être plus résilientes, être moins exigeantes en eau, être bénéfiques pour la fertilité des sols … Avec la sécheresse très présente en Tunisie, l’exigence en eau et la résistance des plantes sont des facteurs qui peuvent avoir des impacts directs sur la rentabilité de la production.
En cultivant des fourrages localement, les agriculteurs peuvent diminuer les quantités d’achats d’aliments, réduire les coûts de l’élevage, améliorer la qualité de l’alimentation, mieux prévoir et gérer leurs stocks. En produisant une partie de leur fourrage, les éleveurs peuvent donc optimiser la conduite et la productivité de leur élevage laitier et allaitant.
Dans ce sens, depuis 2017, les éleveurs ovins du GDAEBN, organisation partenaire de Fert, testent des associations fourragères, i.e. des méteils (céréales, légumineuses, protéagineux) en partenariat avec l’INRAT (Institut National de Recherche Agronomique de Tunis). Depuis 2021, Fert accompagne également des éleveurs ovins et bovins du Centre (membres de la SMSA Amal notamment) dans des essais de méteils et de cultures fourragères.
Qui ?
30 éleveurs du GDAEBN et 25 éleveurs de Msaken cultivent et/ou testent des méteils et d’autres cultures fourragères
Quoi ?
Associations et cultures fourragères testées depuis 2017
- Vesce-avoine
- Vesce-triticale-avoine
- Vesce-triticale
- Vesce-orge
- Triticale-lathyrus
- Avoine-pois protéagineux
- Triticale-avoine-fenugrec
- Luzerne de Gabès
- Sorgho fourrager
Autres espèces fourragères à tester dans le Centre
- Blé pérenne
- Atriplex
- Dactyle
- Panicum
Pourquoi ?
Au Centre, beaucoup d’éleveurs achètent du foin d’avoine du Nord, à un prix variant entre 14 à 26 TND par balle (4.25 et 8 €), alors que produire une balle de vesce-avoine peut coûter moins de 10 TND (3 €) avec une meilleure valeur nutritionnelle.
Au Nord, la production d’une balle de foin de vesce-triticale-avoine a coûté en moyenne 8 TND (2.5 €) en 2023 ; suivant les rations choisies, un hectare cultivé peut par exemple permettre à l’éleveur d’économiser 1500 TND (460 €) en aliments concentrés.
Les méteils apportent des solutions, mais des défis persistent, notamment :
- Trouver un mélange fourrager adapté aux conditions pédoclimatiques, à la disponibilité des semences, proposant une complémentarité entre les espèces et une haute valeur nutritive
- Soigner le semis ; les semences étant de poids et taille différents, il faut veiller à un semis homogène
- Optimiser l’irrigation quand elle est pratiquée ; cela a amené des éleveurs à choisir la luzerne plutôt que les méteils
- Faucher au bon moment
Le GDAEBN, l’INRAT et Fert accompagnent les éleveurs dans l’analyse de ces divers paramètres afin de déterminer les méteils ou les fourrages les plus avantageux, et d’optimiser leur conduite.
L’accompagnement de Marc WITTERSHEIM
Depuis 2021, Marc WITTERSHEIM, membre de Fert et Ingénieur conseil en production laitière – retraité du BTPL, accompagne à distance et lors de missions de terrain, les conseillers tunisiens dans le développement du conseil en élevage :
- Sur des aspects techniques : alimentation des troupeaux, méteils, habitat, élevage des jeunes, contrôle laitier, contrôle de croissance …
- Sur des aspects méthodologiques : échange et conseil avec les éleveurs, animation de groupes, organisation du conseil …
« Je rencontre dans les 2 zones des éleveurs désireux d’être plus autonomes par rapport aux achats d’aliments, et curieux de tester des fourrages qu’ils ne connaissaient pas. Changer les habitudes reste un défi. Par exemple dans le Centre, cultiver des fourrages sous les oliviers n’est pas toujours bien vu, alors que cela pourrait être une voie d’avenir, inspirée de l’agro-foresterie. Au-delà de produire des fourrages, l’objectif reste la production animale ; il reste donc à travailler à son intégration dans les rations. Sur tous ces chantiers, les visites d’échange organisées par les équipes techniques permettent de convaincre et d’échanger, c’est la base de la pédagogie Fert. »
Ressources complémentaires
Agriculture de conservation : Le méteil, performance et autonomie pour les agriculteurs