Depuis septembre 2014, Fert est en partenariat avec l’Isara-Lyon, l’école d’agriculture de Lyon. Dans ce cadre, elle intervient tout au long de l’année auprès des étudiants. Un an après son démarrage, Jacques Godet, enseignant-chercheur, et Emilien Pax, du département des Relations Internationales de l’Isara, reviennent sur ce partenariat. Interview croisée.
En 2014, l’ISARA-Lyon a formalisé un partenariat avec l’agri-agence Fert. Qu’est-ce qui a motivé ce rapprochement ?
EP: 2 raisons principales sont à l’origine de ce rapprochement : le premier constat est que la notion de développement – dans le cadre de la solidarité internationale – attire particulièrement les élèves ingénieurs de l’Isara-Lyon. Or, paradoxalement, ils ont rarement une idée claire de ce que cela signifie, de la façon dont cela se traduit en termes de missions, d’activités et de métiers. Il s’agit donc d’abord de leur permettre d’aller au-delà de la simple finalité du développement en découvrant les moyens d’action. La 2ème raison est liée à la première : l’Isara-Lyon propose depuis quelques années à ses étudiants ingénieurs de suivre un parcours orienté développement international (Datam – Développement Agrotechnique et Agroalimentaire dans le Monde) durant les 2 dernières années de leur cursus. Il nous importe d’enrichir en permanence le contenu de ce parcours; et l’implication de professionnels du secteur, comme Fert, est un excellent moyen d’y parvenir.
JG : D’autres parcours de formation orientent également les étudiants vers le développement local et l’ingénierie territoriale, tout en ménageant un regard croisé Nord/Sud. Ils s’adressent aussi bien à des élèves désireux de se spécialiser qu’à d’autres souhaitant simplement compléter leur cursus. Sur le plan pédagogique et didactique, c’est un challenge, car il faut des intervenants qui soient avant tout des praticiens capables de s’adapter à nos publics et à leurs différents degrés d’intérêt. Il faut également que ces intervenants puissent refléter la diversité des situations tout en montrant la transversalité des méthodes; par exemple: en quoi l’ingénierie du développement constitue une culture professionnelle bien identifiable, et ceci que l’on travaille en France ou en Afrique, dans le Rhône ou au Pérou, en zone rurale ou « rurbaine », etc. Au delà, et ce n’est pas la moindre difficulté, il s’agit également d’introduire un regard critique qui ne soit pas déstabilisant. L’équipe de Fert y arrive assez bien !
En quoi consiste(nt) la ou les intervention(s) de Fert dans le cadre des formations dispensées à l’Isara-Lyon
EP: l’intervention de Fert a été réfléchie comme un accompagnement progressif de nos élèves ingénieurs, au-delà du simple cadre de la formation et du parcours Datam. Ainsi, l’introduction au développement proposée par Fert à nos étudiants de 3ème année leur permet de se familiariser avec le concept et de les guider dans leurs choix d’orientation. Pour ceux d’entre eux qui décident d’approfondir le sujet, nous mobilisons ensuite les compétences de Fert pour proposer des contenus pédagogiques spécifiques (cours sur le cycle de projet en 5ème année) et des mises en situation concrètes directement liées aux activités de l’agri-agence (travaux de groupes, stages,…). Plus globalement, le parrainage de l’option Datam par Fert traduit bien la volonté commune d’accompagner dans la durée les élèves ingénieurs de l’Isara-Lyon d’une part, et les projets de Fert d’autre part.
JG : l’intérêt réside dans le fait que les mêmes intervenants puissent aussi bien faire cours – c’est-à-dire cadrer tout en ménageant de l’interactivité – qu’accompagner des étudiants dans leurs missions de terrain, ou encore participer à des réunions, intervenir à des tables rondes ou encore témoigner lors de forums. Ils peuvent aussi endosser le rôle de commanditaire d’étude, être maître de stage, ou encore donner une vision « de l’intérieur » en parlant d’une situation professionnelle sous différents aspects, prendre une certaine distance critique, être capable d’objectivation, etc. Cela compte dans l’appréciation que nous faisons de ce partenariat avec Fert.
Quelle est la plus-value d’une agri-agence comme Fert dans les propositions de formation d’une école d’ingénieurs agricoles comme la vôtre ?
EP:les apports sont multiples : d’une façon générale, le regard que porte une agri-agence comme Fert sur les systèmes agricoles actuels est précieux et complémentaire de ceux que proposent les autres acteurs du secteur. Pour l’Isara-Lyon, il est essentiel d’assurer une visibilité exhaustive sur les différents points de vue promus par ces acteurs. Un partenariat comme celui-ci permet également d’appuyer la légitimité de l’Isara sur des thématiques qui lui sont chères comme la solidarité internationale et l’accompagnement des filières alimentaires des pays en développement, mais aussi la « professionnalisation » de nos futurs ingénieurs à travers une exposition permanente à des acteurs économiques.
JG : Il y a un intérêt, de fait, dans cette « professionnalisation », qui, d’ailleurs, démontre qu’à côté des aspects économiques, le développement (et ses métiers) intègrent des dimensions sociales, éthiques ou culturelles. Intérêt aussi dans le fait d’élargir le champ de vision des étudiants, puisque l’action de Fert se veut une forme de coopération paritaire (entre agriculteurs ou entre OPA) intéressante au côté de l’Aide publique au développement, de la coopération décentralisée, et autres dynamiques associatives et réseaux et tout ordre. C’est une autre façon de « faire du développement » mais aussi pour les étudiants une autre façon de voir un secteur professionnel, ses valeurs et son fonctionnement, ses stratégies et ses déclinaisons diverses. Le partenariat avec Fert permettra également à l’Isara d’être connecté à d’autres réseaux, comme celui des agri-agences et ONG.