Depuis 2014 Fert accompagne CGA dans la mise en place de sa nouvelle stratégie de services dans 5 comtés du sud-ouest du Kenya : Narok, Nakuru, Laikipia, Uasin Gishu et Meru. Pour améliorer le service de conseil aux exploitations agricoles, un agronome a été recruté et 4 dispositifs expérimentaux ont été mis en place en 2021. C’est dans ce cadre que Fert, agri-agence liée aux organisations céréalières françaises, a fait appel à Arvalis Institut du végétal, institut technique de recherche appliquée financé et piloté notamment par les producteurs de céréales, de pommes de terre, de lin fibre et de fourrages.
Arvalis, qui dispose d’un réseau de plus de 400 ingénieurs et experts présents sur le territoire national a mis à disposition de Fert et de CGA, pour une mission de 10 jours au Kenya, l’ingénieure régionale Ile de France responsable de la ferme d’expérimentation de Boigneville (91).
L’objectif de cette mission était d’aider CGA à progresser sur les aspects de conduite de parcelles d’essais et d’obtention de résultats qui soient utiles, utilisables et utilisés par les producteurs.
« J’ai un profil assez généraliste, ce qui est un avantage pour ce type de mission. Je travaille à Arvalis depuis 20 ans, j’ai eu l’opportunité de connaître toutes les cultures de l’institut et de développer une approche système. J’utilise cette approche pour faire avancer au mieux nos recherches visant la durabilité des systèmes grandes cultures sur la ferme d’expérimentation de Boigneville. Ces dispositifs grandes parcelles sont complémentaires des essais microparcelles que nous mettons en place sur la ferme mais également chez des agriculteurs. Mon expertise, tant en agriculture conventionnelle qu’en agriculture biologique, est un bagage pertinent et nécessaire pour une telle mission en Afrique »
Delphine Bouttet a également pu observer la façon dont les techniciens conseillent les agriculteurs.
« La première fois que nous nous sommes retrouvés dans une ferme où les techniciens de CGA préconisaient divers conseils, nous avons vu les limites de l’approche « 1 problème = 1 solution ». Selon moi cette approche, malheureusement souvent utilisée au Kenya et encore en France, ne permet pas d’apporter des réponses adéquates aux problèmes des agriculteurs. Il vaut mieux privilégier l’approche « système » ou « combinatoire » dans laquelle le technicien apporte à l’agriculteur une boîte à outils qu’il peut lui-même utiliser et ainsi prendre ses décisions selon ses objectifs et contraintes. Cette approche, plus pédagogique, implique une relation d’égal à égal entre le technicien et l’agriculteur et demande au technicien une écoute attentive qu’il transforme en problématique pour apporter un état des lieux de la connaissance disponible afin de pouvoir discuter des solutions en co-responsabilité avec l’agriculteur. Il ne faut pas oublier que seul l’agriculteur a la capacité de choisir sa bonne combinaison de solutions. Nous sommes là pour le conseiller et tester des combinaisons mais l’agriculteur doit rester maître de ses choix. S’il comprend et croit en ce qu’il apprend, l’application et l’adaptation aux conditions de sa ferme n’en seront que meilleures ».
Au Kenya, Delphine Bouttet a visité, avec Fert et avec des techniciens et des leaders de CGA, les différentes parcelles d’essais, mais aussi des exploitations de tailles diverses. Une restitution finale a permis d’échanger sur les enseignements et de valider avec les leaders un plan d’action à court terme pour améliorer l’impact des parcelles d’essais.
« J’ai notamment pu constater que l’acidité des sols est un problème largement sous-estimé. La notion de pH et les conséquences d’une acidité des sols sur les cultures ne sont souvent pas maitrisées par les agriculteurs. Peu de mesures sont réalisées. De plus, j’ai voulu montrer aux agriculteurs kenyans qu’outre la technologie et les laboratoires, nous pouvons nous-même être un outil très performant pour l’étude des sols. A l’aide d’une pelle, de nos cinq sens et de connaissances adaptées, nous pouvons déjà avoir une bonne idée de la qualité de la terre en réalisant un profil du sol. C’était très enrichissant de partager cela avec eux ».
La pertinence de cette démarche, partagée par Arvalis et Fert, est universelle. Elle nécessite des profils de techniciens « généralistes », capables d’analyser les choses de façon systémique puis d’aller rechercher des informations et connaissances plus spécifiques. Delphine Bouttet a pu conseiller les techniciens de CGA sur leur approche et leur pédagogie auprès des agriculteurs.
Cette mission a montré une fois de plus l’intérêt pour une agri-agence comme Fert, de mobiliser la profession agricole pour un apport d’expertise et des échanges entre pairs. L’accompagnement se poursuivra à distance et dans le cadre d’autres missions.
Pour Arvalis, ces échanges sont aussi une nouvelle source d’inspiration quant aux solutions techniques à étudier dans un contexte de changement climatique toujours plus impactant pour tous les agriculteurs.