2016 a été désignée Année internationale des légumineuses. Elles permettent de lutter contre l’insécurité alimentaire, favorisent la durabilité de l’agriculture, encouragent la biodiversité et sont bénéfiques pour la santé. L’Accir, partenaire de Fert au Burkina Faso, accompagne des producteurs – au Burkina Faso mais aussi au Togo – qui produisent des légumineuses. C’est donc naturellement que ce thème a été choisi pour notre assemblée générale.
A l’occasion de l’Assemblée Générale de l’Accir en mai dernier, Ousmane Dao, directeur du Seracom au Burkina et Hasmiyou Fousseni, délégué de l’Arcod-CA au Togo étaient invités à participer à une table ronde sur le thème « Les légumineuses, des graines pour nourrir l’avenir ».
Pourquoi faire la promotion du niébé ?
H.F : Le marché des céréales et notamment celui du maïs étant trop fluctuant, nous avons réfléchi à une alternative pour sécuriser les revenus des producteurs. L’alimentation était peu variée d’autant plus que la région centrale est très humide, il y a une forte pression parasitaire donc peu d’élevage et par conséquent peu de protéines. Le niébé semblait approprié. L’objectif est double : il permet d’améliorer le bol alimentaire et les revenus du producteur mais aussi de restaurer la fertilité des sols avec l’azote fixée dans le sol.
O.D : Cette culture est menée à petite échelle par les femmes dans le Sahel (région du Soum). Grâce au travail de la recherche, nous avons accès à des semences améliorées adaptées. Nous accompagnons les productrices à améliorer leur production, améliorer la sécurité alimentaire, favoriser leur accès à des marchés pour augmenter leurs revenus car avant les productions étaient vendues à bas prix.
Concrètement quelles actions sont menées auprès des producteurs ?
H.F : Nous travaillons sur 3 axes: la formation, l’organisation des producteurs et l’information sur les techniques de production. Les producteurs ne maîtrisaient pas les techniques de production et utilisaient des semences peu performantes. Nous les avons formés aux techniques de traitement pour limiter les attaques parasitaires. Nous avons aussi travaillé sur la conservation en sac à triple paroi pour limiter l’utilisation de produits chimiques.
O.D : Dans le Soum les bénéficiaires sont toutes des femmes. Nous les accompagnons sur le volet organisation. Le Seracom a acquis de l’expérience dans ce domaine sur le volet sésame biologique mais nous avons aussi beaucoup échangé avec les producteurs de niébé de Kaya accompagnés par l’Accir et Fert*. Les femmes sont organisées en groupes de confiance d’une quinzaine de membres avec une productrice pilote chargée dans chaque groupe de relayer les informations et de vulgariser les bonnes pratiques sur sa parcelle. Nous facilitons l’accès aux intrants de qualité, c’est là que nous avons bénéficié de l’apport de l’Accir (petits équipements, magasins de stockage). Un fonds de roulement a été constitué, il est toujours disponible. Avant, les femmes vendaient toute leur production après la récolte. Nous avons mis en place un service de stockage-vente pour que la productrice bénéficie de 50% de la valeur de son stock pour faire face à ses besoins de trésorerie et garde son stock jusqu’à l’augmentation des prix.
Quel travail a été effectué sur la conservation du niébé ?
H.F : Les sacs à triple paroi permettent une conservation de façon anaérobique, mais ils sont difficilement trouvables au Togo. La conservation se fait donc dans des bidons après lavage et rinçage ; ceux-ci peuvent durer deux campagnes. Nous utilisons aussi des feuilles de neem (arbre avec des vertus insecticides) et du taget. Les œufs peuvent éclore mais les bruches meurent à la naissance.
O.D : Chez nous les bidons peuvent être utilisés mais pour des petites quantités. Pour l’activité économique nous utilisons les sacs à triple fond. Au Burkina les commerçants sont agréés pour la vente, on les trouve facilement à un prix fixe de 1,50 €. Auparavant, les producteurs utilisaient beaucoup de produits chimiques puis saupoudraient avec des pastilles de sulfate d’aluminium extrêmement toxique et les sacs étaient stockés dans les cases à proximité des gens. Dans les années 2008, on a commencé à parler des sacs à triple paroi conçus par l’Inera du Burkina avec une université américaine. Ces sacs – qui ont une capacité de stockage de 100 kg – permettent une étanchéité totale. Les producteurs ont été formés à leur utilisation, l’Inera a fait des tests dans tout le pays pour prouver leur efficacité. Aujourd’hui, les sacs sont utilisés et il n’y a plus de conservation chimique.
Si les légumineuses permettent d’améliorer le bol alimentaire en milieu rural, qu’en est-il de leur consommation en milieu urbain et dans la sous-région ?
H.F : Le bol alimentaire a aussi été amélioré chez les citadins. Sur les marchés urbains togolais, on trouve du niébé.
O.D : Au Burkina 80% du niébé est consommé dans le pays, le reste est exporté dans la sous-région. Le niébé est une culture de rente qui se vend très bien sur les marchés locaux mais qui s’exporte aussi au Nigéria et en Côte d’Ivoire.
Le niébé permet-il réellement une augmentation des revenus ?
O.D : Les productrices font une marge d’environ 1.300€ pour 13 tonnes vendues après 4 mois de stockage. Cela leur permet de rembourser leur crédit de début de campagne et ensuite de régler les frais de scolarité et contribuer au budget de la famille.
H.F : On a constaté un changement dans l’habitat, les toits sont maintenant en tôle ondulée, les producteurs achètent des moyens de locomotion. La marge à l’hectare est plus intéressante que celle faite avec le maïs. Pour 15 quintaux de niébé à l’hectare la marge est de 365€ soit le double de celle faite avec le maïs, main d’œuvre comprise.
Comment s’organise la commercialisation ?
O.D : Nous pratiquons le warrantage. Le niébé est stocké pendant 3-5 mois et on suit l’évolution des prix. On informe les productrices au fur et à mesure et c’est elles qui décident du moment où il faut vendre. Elles participent également à la recherche d’acheteurs afin d’obtenir les meilleures marges possibles.
H.F : C’est la coopérative qui se charge de la commercialisation. Les financements de l’Arcod ont permis de financer un fonds de roulement attribué à la coopérative qui le reverse aux producteurs sous forme de prêt de campagne à 5%. Ces intérêts sont une sorte d’assurance en cas de calamité naturelle ou décès. Ces 5% permettent de garder un équilibre. En fin de campagne les producteurs constituent un stock plus ou moins égal à l’équivalent du montant des crédits et en fin de période de vente ils remboursent leurs crédits reçus en nature ou en espèces et la coopérative se charge d’acheter les intrants pour la campagne suivante. Le Bureau de chaque coopérative décide du moment de la vente.
*Depuis 2004, l’Accir accompagne les producteurs de Kaya. A partir de 2007, l’Accir a fait appel à Fert pour renforcer son accompagnement des producteurs. Le niébé est adapté avec un cycle végétatif court entre 60 et 80 jours pour des zones à faible pluviométrie. Il est donc pertinent de s’intéresser à cette filière.