Parmi les races ovines à viande élevées en Tunisie, il en existe une bien particulière : la Noire de Thibar. Elle se distingue de la Barbarine (à grosse queue), la Gharbi (à queue fine) ou de la D’mane, présente également en Algérie et au Maroc. Des éleveurs tunisiens se sont saisis de cette race adaptée à leur environnement pour se positionner comme des acteurs incontournables de la filière.
Sélectionnée initialement par les Pères Blancs dans leur domaine de Thibar, au nord-ouest de la Tunisie, la Race Noire de Thibar est issue de croisements entre la Gharbi algérienne et le Mérinos noir d’Arles. Cette race de mouton possède de nombreux atouts : viande moins grasse, sa qualité gustative est avérée, et la qualité de sa laine fait l’unanimité. Sa couleur noire a été recherchée afin de lutter contre la photosensibilisation à laquelle sont sujettes les races locales de couleur claire ; particulièrement à la suite de la consommation du millepertuis.
Afin de maintenir et améliorer la Race Noire de Thibar, des éleveurs regroupés au sein du groupement de développement agricole des éleveurs de brebis du nord (GDAEBN) ont d’abord pris l’initiative de créer un « centre d’élèves béliers » dans la ferme d’un de leur membre : issus des meilleurs élevages et sélectionnés, ces jeunes reproducteurs sont destinés à un échange annuel entre les éleveurs membres du GDA, évitant ainsi la consanguinité.
Pour aller plus loin dans l’amélioration des performances de la race et la lutte contre les risques sanitaires – le changement climatique pouvant favoriser de nouvelles épizooties – le GDAEBN est aussi à l’initiative d’un partenariat avec le laboratoire des ressources génétiques animales de l’Institut Agronomique de Tunis (Inat) et l’Office de l’élevage et des pâturages (OEP), organisme étatique et principal acteur du secteur dans le pays. Souhaitant se positionner comme le moteur du schéma de sélection de la Race Noire de Thibar, le GDAEBN entend mettre en avant les réelles attentes des producteurs tant sur le plan technique qu’économique.
Il s’agit d’une démarche très originale en Tunisie où, jusque là, la profession ne faisait que subir les choix de l’administration d’une part, et ceux du secteur commercial d’autre part.
Rares sont les productions agricoles de par le monde pour lesquelles la génétique n’a pas été captée par des sociétés privées, souvent multinationales, comme celles des semences végétales ou des bovins laitiers. A l’inverse, la volonté affichée du GDAEBN est de permettre aux éleveurs tunisiens de garder la main sur la génétique de leur race ovine phare, la Noire de Thibar.