fert agroecologie

Sorgho cultivé sur demi-lunes à Zinibéogo, département de Pensa, Burkina Faso

 

Depuis une dizaine d’années, les membres des unions de producteurs de niébé dans la province du Sanmatenga (Burkina Faso) ont testé et mis en œuvre un ensemble de pratiques agro-écologiques.

Ils ont été accompagnés par Fert et Accir qui préconisent une approche « à petits pas », s’adaptant aux pratiques des agriculteurs. 

 

La province du Sanmatenga, située en zone sahélienne, se caractérise par une faible pluviométrie (400 à 700 mm/an) et des sols sablo-argileux relativement pauvres en matières organiques et éléments minéraux. Dans ce contexte agro climatique difficile, à l’origine de rendements agricoles faibles et irréguliers, l’insécurité alimentaire est importante et chronique : 234 000 personnes étaient affectées en 2013-2014, soit environ 44% de la population de la région Centre Nord.

Au niveau de trois départements (Pissila, Dablo et Pensa), des agriculteurs se sont organisés en groupements et unions autour de la production du niébé (Vigna unguiculata). Cette légumineuse bien adaptée aux conditions climatiques et pédologiques de la zone, présente notamment l’avantage d’être riche en protéines (25% au niveau des graines). Elle constitue ainsi à la fois une culture vivrière, susceptible de contribuer à la sécurité alimentaire, et une source de revenus pour les familles.

Les unions de producteurs de niébé de Dablo, Pissila et Pensa, créées respectivement en 2002, 2003 et 2009, fédèrent 92 groupements de base, soit environ 1 640 membres (actifs) dans la province du Sanmatenga (région Centre Nord du Burkina Faso). Fert et Accir accompagnent ces unions dans un objectif d’amélioration de la sécurité alimentaire et des conditions de vie des populations par le renforcement des unions de producteurs et des services proposés à leurs membres.

 

Un ensemble de pratiques testées depuis 2004 

 

Des actions initiées par l’Accir (depuis 2004), et Fert (depuis 2007) ont été menées en concertation étroite avec les unions et les services décentralisés du ministère de l’Agriculture avec pour objectif de tester différentes pratiques agricoles en milieu paysan et de sensibiliser et former les producteurs. L’une des difficultés majeures exprimée par les unions était l’accès limité aux intrants, notamment aux engrais minéraux, faute de moyens financiers. Les pratiques testées ont pour objectif de contourner ce problème d’accès aux intrants mais aussi de stabiliser la fertilité des sols, d’améliorer les rendements et de réduire la vulnérabilité des exploitations face aux variations climatiques. En effet, l’enjeu actuel réside non seulement dans l’amélioration de la productivité mais aussi dans la sécurisation des exploitations agricoles familiales face à une répartition de plus en plus irrégulière de la pluviométrie et à la multiplication d’évènements extrêmes (sécheresses, inondations, etc.). Les pratiques testées portent sur quatre thématiques : fertilisation du sol et promotion de la fumure organique, récupération des sols dégradés, traitements insecticides et essais variétaux.

Des tests de fertilisation ont été réalisés sur le niébé et sur le sorgho, en comparant plusieurs parcelles, sans fumure et avec fumure organique et/ou minérale, à différentes doses. L’utilisation de compost est considérée comme le premier levier de l’amélioration de la fertilité des sols ; en effet, la fumure organique améliore durablement les propriétés physique, chimique et biologique des sols (structure, complexe argilo humique, vie du sol) et permet de réduire les doses d’engrais minéraux nécessaires. La production de compost (tas, fosse) sera renforcée dans les années à venir.

Dans le domaine de la conservation des eaux et des sols, suite à un diagnostic des différentes techniques pratiquées par les producteurs, il a été décidé de mettre l’accent sur des techniques simples et peu couteuses en terme d’investissement économique pour les producteurs : le zaï et la demi-lune dont l’objectif est de « faire revivre les sols morts ». Au-delà des formations dispensées, des kits de matériels ont été alloués à quelques producteurs témoins (18) afin de réaliser ces aménagements au sein de leurs exploitations.

Les insectes parasites du niébé sont considérés comme un problème majeur par les producteurs sans toutefois que les préconisations en termes de traitements soient appliquées, principalement par manque de connaissances mais aussi d’accès aux produits et au matériel de traitement. Les tests insecticides ont permis de sensibiliser les producteurs à l’intérêt de la protection contre les insectes et de comparer les effets du neem (azadirachta indica : insecticide naturel) à ceux du Décis (insecticide de synthèse : deltamethrine). Afin de limiter les traitements systématiques, des actions de promotion de la gestion raisonnée des ravageurs ont été menées (Gestion Intégrée des Productions et des Déprédateurs).

Des essais variétaux ont été réalisés sur le niébé et, plus récemment, sur le sorgho et l’arachide, afin de proposer des variétés améliorées s’adaptant aux conditions pédoclimatiques de la zone et répondant également aux attentes des producteurs. Les paramètres testés étaient entre autres : la précocité, la résistance à la sécheresse, la tolérance au striga, l’état sanitaire et le rendement.

 

 

Vers une démarche agro-écologique 

Fert producteur pensa agroecologie            fert agroecologie

Site d’un producteur de sorgho avant et après l’installation de demi-lunes

 

Ces diverses actions ont été menées d’abord pour répondre aux problèmes technico-économiques que rencontrent les producteurs, sans que l’agro-écologie soit placée au cœur de la stratégie d’accompagnement de ces agriculteurs et de leurs organisations.

En effet, Fert et Accir ne souhaitent pas diffuser de message technique prédéfini, mais s’appuyer sur les retours d’expériences de pratiques testées par les agriculteurs eux-mêmes. Il s’agit de valoriser des connaissances et des savoir-faire traditionnels locaux, en y apportant quelques innovations testées dans le cadre de partenariats (Institut de recherche, services du Ministère de l’Agriculture, etc.). Toutefois, fortes des acquis de cet ensemble de pratiques, Fert et Accir ont souhaité expliquer leur démarche dans un objectif de meilleure diffusion auprès de leurs partenaires.

Fert et Accir, préconisent ainsi une approche progressive, « à petits-pas », qui s’adapte à l’état des pratiques des agriculteurs. Cette approche peut être qualifiée de recherche/action. Elle suppose un dialogue permanent entre techniciens et avec les producteurs qui sont associés à la réflexion dès le départ.

Sans être dogmatique sur le sujet, Fert et Accir sont convaincus de l’intérêt des pratiques s’inscrivant dans le concept large de l’agro-écologie. En effet, dans un contexte de pression foncière croissante, de changement climatique et de dégradation des sols, l’amélioration et la sécurisation de la production passent nécessairement par une intensification agro-écologique. Le manque d’eau, de fumure organique et de matières premières supposent pour les producteurs d’arriver à optimiser la gestion des ressources naturelles.

Il est nécessaire d’aller davantage vers des pratiques agronomiques productives durables, à condition que cela reste réaliste pour les exploitations agricoles familiales, que cela n’augmente pas de manière importante la prise de risque pour les agriculteurs, et que l’adoption de telles pratiques relève avant tout du choix des agriculteurs. La prise en compte de la viabilité économique constitue par ailleurs une priorité. Cet accompagnement des agriculteurs volontaires dans l’adoption de pratiques agro-écologiques n’exclut pas de faire appel à des pratiques conventionnelles notamment concernant la lutte contre les prédateurs des cultures ou l’utilisation d’engrais minéraux, quand cela s’avère nécessaire.

 

L’ensemble de ces actions menées par les unions de producteurs de niébé depuis une dizaine d’années est riche en enseignements. Un travail de capitalisation sera mené en 2014 afin de creuser les pratiques mises en place et mesurer les résultats obtenus. Conduit en lien étroit avec les producteurs, il permettra de recueillir leurs avis, de mieux comprendre les niveaux d’adoption et/ou d’adaptation de ces pratiques et les obstacles à leur diffusion.

Article publié sur le site d’Inter-réseaux Développement rural, suite à la publication de la revue Grain de Sel – n°63-66, consacré à cette thématique